Inauguré le 1er février 2009, lors de la Journée nationale de commémoration de l’abolition de l’esclavage à Maurice, le Monument de la Route de l’esclave est une œuvre sculpturale puissante qui invite à la réflexion et au recueillement.

L’élément central du monument est une sculpture en bronze représentant plusieurs figures d’esclaves, hommes et femmes. Ces silhouettes expressives évoquent à la fois la souffrance endurée et la dignité humaine. La disposition des personnages, tournés vers la montagne du Morne, symbolise le chemin vers la liberté que représentait ce refuge naturel.

Autour de cette sculpture principale, plusieurs éléments complémentaires enrichissent le mémorial :

• Des plaques commémoratives relatant l’histoire de l’esclavage à Maurice
• Des citations et témoignages historiques gravés dans la pierre
• Un espace circulaire symbolisant l’unité et invitant au recueillement
• Des éléments évoquant les cultures d’origine des esclaves, principalement Madagascar, l’Afrique de l’Est et du Sud-Est

[expand]L’ensemble architectural s’intègre harmonieusement dans le paysage naturel exceptionnel du site, avec en toile de fond la silhouette majestueuse du Morne Brabant et l’immensité de l’océan Indien.

Signification historique et mémorielle

Le Monument de la Route de l’esclave témoigne d’une période sombre de l’histoire mauricienne. Sous les colonisations française (1715-1810) puis britannique (1810-1968), l’économie de plantation, principalement basée sur la culture de la canne à sucre, reposait largement sur le travail forcé des esclaves. Ces derniers, arrachés à leurs terres natales en Afrique et à Madagascar, vivaient dans des conditions extrêmement difficiles.

Les registres historiques indiquent qu’environ 85 000 esclaves furent amenés à l’Île Maurice, principalement du Mozambique, de Madagascar, de la côte est-africaine et même d’Inde. Leur travail, leurs savoirs et leurs cultures ont profondément contribué à façonner l’identité mauricienne, notamment à travers la langue créole, la musique (comme le séga), la cuisine et diverses pratiques culturelles qui perdurent aujourd’hui.

L’abolition de l’esclavage à Maurice, promulguée en 1835 par les autorités britanniques (mais avec une période d’apprentissage qui prolongea de fait la servitude jusqu’en 1839), marque un tournant décisif dans l’histoire de l’île. Cet événement a transformé la structure sociale et économique du pays, conduisant notamment à l’arrivée massive de travailleurs engagés indiens pour remplacer la main-d’œuvre servile sur les plantations.

Un lieu de mémoire vivante

Aujourd’hui, le Monument de la Route de l’esclave n’est pas seulement un lieu de commémoration statique, mais un espace vivant d’éducation et de transmission mémorielle. Le site accueille régulièrement :

• Des cérémonies officielles, notamment lors de la Journée internationale de commémoration des victimes de l’esclavage (23 août) et de la Journée nationale mauricienne (1er février)
• Des visites scolaires et pédagogiques
• Des performances artistiques et culturelles liées à l’héritage des descendants d’esclaves
• Des rencontres internationales dans le cadre du projet de l’UNESCO

Un centre d’interprétation a également été développé à proximité pour approfondir la connaissance de cette période historique et mettre en lumière la contribution des esclaves et de leurs descendants à la société mauricienne.

Une reconnaissance internationale

Le Monument de la Route de l’esclave s’inscrit dans un réseau mondial de sites mémoriels reconnus par l’UNESCO. Ce réseau inclut notamment la Maison des esclaves de Gorée au Sénégal, le Mémorial ACTe en Guadeloupe ou encore le National Museum of African American History and Culture à Washington.

Cette reconnaissance internationale souligne l’importance de ce patrimoine mémoriel, non seulement pour l’Île Maurice mais pour l’humanité tout entière. Elle rappelle que la traite négrière et l’esclavage constituent un chapitre tragique de l’histoire mondiale dont les conséquences se font encore sentir aujourd’hui.

Un outil de réconciliation et d’avenir

Au-delà de sa dimension commémorative, le Monument de la Route de l’esclave représente un outil de réconciliation nationale dans une société mauricienne multiculturelle. En reconnaissant les souffrances du passé, il contribue à construire une mémoire collective inclusive et à renforcer le dialogue interculturel.

Pour les Mauriciens, et particulièrement pour la communauté créole largement descendante d’esclaves, ce monument constitue une reconnaissance officielle de leur histoire et de leur contribution à la nation. Il participe ainsi au processus de réappropriation identitaire et de valorisation culturelle.

Pour les visiteurs, qu’ils soient mauriciens ou étrangers, le Monument de la Route de l’esclave offre un espace de recueillement et de réflexion sur l’universalité des droits humains et sur les valeurs de liberté et de dignité qui doivent guider notre présent et notre avenir.

En préservant la mémoire de ceux qui ont souffert de l’esclavage et de ceux qui y ont résisté, le monument du Morne rappelle que la liberté n’est jamais acquise et qu’elle demeure un idéal à défendre constamment, faisant écho aux paroles de Nelson Mandela : « Car être libre, ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaînes, c’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres. »