le 13 août et lorsqu’une escadre française menée par le capitaine Guy-Victor Duperré approcha de la baie sept jours plus tard, le commandant britannique, Samuel Pym, décida de l’attirer dans les eaux peu profondes et de la détruire avec sa puissance de feu.

Les Britanniques avaient minutieusement préparé leur stratégie. Ils avaient pris position sur l’île de la Passe, qui contrôlait l’entrée du port de Grand Port, pensant pouvoir ainsi tendre un piège mortel aux navires français qui tenteraient de forcer le passage. Cette tactique, qui semblait infaillible sur le papier, allait se révéler être une erreur fatale.

Les protagonistes : Des héros des deux camps

Du côté français : Des capitaines d’exception

Le capitaine Guy-Victor Duperré emerge comme le héros principal de cette bataille. Duperré fut blessé dans la bataille, frappé au visage par une mitraille, mais sa bravoure et son leadership furent déterminants dans la victoire française. Ce marin d’exception allait plus tard devenir amiral et ministre de la Marine.

Charles-Félix-Emmanuel Hamelin, capitaine de vaisseau commandant la Vénus, joua également un rôle crucial. Le mousse Ferdinand-Alphonse Hamelin, futur amiral, se trouvait sur la Vénus commandée par son oncle, le capitaine de vaisseau Charles-Félix-Emmanuel Hamelin, futur contre-amiral et futur baron de l’Empire. Cette bataille marqua ainsi plusieurs générations de marins français.

Du côté britannique : Un adversaire redoutable

Le capitaine Samuel Pym dirigeait les forces britanniques avec l’intention de détruire définitivement la présence navale française dans l’océan Indien. Sir Nesbit Josiah Willoughby, vaincu lors de la bataille de Grand Port (23-27 août 1810) où il perdit son œil. Il fut soigné côte à côte avec son adversaire français l’Amiral Duperré dans la maison du colon de Robillard devenue depuis août 2000 Musée d’Histoire National (Mahébourg).

Cette anecdote illustre parfaitement l’esprit chevaleresque qui animait encore les combats navals de l’époque, où les adversaires pouvaient se respecter mutuellement malgré la férocité des combats.

Le déroulement de la bataille : Sept jours de combat héroïque

20 août 1810 : L’engagement initial

La bataille débuta le 20 août 1810 lorsque l’escadre française, composée de plusieurs frégates, approcha de Grand Port. Les Britanniques, confiants dans leur position stratégique sur l’île de la Passe, pensaient pouvoir facilement repousser cette attaque.

20-27 août : Une semaine de combats acharnés

La bataille de Grand Port fut une bataille navale menée du 20 au 27 août 1810 entre des escadres de frégates de la Marine française et de la Royal Navy britannique pour la possession du port de Grand Port sur l’Île de France (maintenant île Maurice).

Les combats se prolongèrent durant une semaine entière, témoignant de l’acharnement des deux camps. Les eaux de la baie de Grand Port furent le théâtre d’affrontements d’une rare intensité, où la maîtrise maritime et la bravoure des équipages furent mises à rude épreuve.

La victoire française : Un triomphe inattendu

Les résultats tactiques

Les Britanniques perdent quatre navires : deux coulés, deux capturés. Les Français font en outre 1 600 prisonniers. Cette victoire représentait un coup dur pour la Royal Navy, habituée à dominer les mers depuis Trafalgar.

Le 28 août, les soldats britanniques restés sur l’île de la Passe font leur reddition, marquant la fin officielle de cette bataille qui restera dans l’histoire comme l’une des plus belles victoires navales françaises.

L’impact symbolique et psychologique

Véritable exploit français sur les rives du village de Mahébourg, en ce mois d’août 1810, la bataille du Vieux Grand Port reste la plus grande victoire de la marine napoléonienne contre la redoutable flotte britannique.

Cette victoire eut un retentissement considérable en Europe. Pour la première fois depuis longtemps, la marine française parvenait à infliger une défaite significative à la Royal Navy, redonnant espoir aux partisans de Napoléon et démontrant que l’invincibilité britannique sur mer n’était pas absolue.

Les conséquences : Un répit temporaire mais décisif

À court terme : Un sursis pour l’île Maurice

Cette victoire conserve l’île Maurice à la France pour une courte durée. En effet, dès septembre, la Royal Navy opère une concentration de troupes et de navires à Rodrigues. Une flotte de 70 bâtiments de tous types y est rassemblée, appareille pour Maurice qu’elle atteint le 26 novembre. Le 30, le débarquement a lieu au nord.

Bien que la victoire de Grand Port n’ait pu empêcher la conquête finale de l’île par les Britanniques en décembre 1810, elle offrit à la France quelques mois supplémentaires de présence dans l’océan Indien et força les Britanniques à mobiliser des moyens considérables pour leur reconquête.

À long terme : Un héritage héroïque

La bataille de Grand Port laissa une marque indélébile dans la mémoire collective mauricienne et française. Elle démontra que même dans les circonstances les plus difficiles, le courage et l’habileté tactique pouvaient triompher de forces apparemment supérieures.

La reconnaissance : Honneurs et récompenses

Côté français

En France, malgré la défaite finale, Hamelin est récompensé pour les services rendus : nommé commandeur de la Légion d’honneur le 20 décembre 1810, baron d’Empire le 19 juillet 1811 et contre-amiral le 15 septembre.

Côté britannique

Victorieux, Bertie et Rowley sont tous deux faits baronnets pour les récompenser des efforts déployés durant cette campagne, montrant que même du côté britannique, cette campagne fut reconnue comme particulièrement difficile et méritoire.

L’héritage de la bataille : 215 ans après

Dans la mémoire mauricienne

Aujourd’hui, 215 ans après cette bataille épique, Grand Port et Mahébourg conservent de nombreux témoignages de cet événement historique. Le Musée d’Histoire Nationale, installé dans l’ancienne demeure du colon de Robillard où furent soignés les blessés des deux camps, perpétue le souvenir de cette bataille.

Dans l’histoire navale mondiale

La bataille de Grand Port occupe une place unique dans l’histoire navale mondiale. Elle reste étudiée dans les écoles navales comme un exemple remarquable de tactique navale et de courage face à l’adversité. Son inscription sur l’Arc de Triomphe témoigne de sa place exceptionnelle dans le panthéon des victoires françaises.

Pour l’île Maurice contemporaine

Cette bataille constitue un élément fondateur de l’identité mauricienne. Elle symbolise la résistance face à l’oppression et l’importance stratégique de l’île dans l’histoire de l’océan Indien. Une bataille qui va léguer un incroyable promontoire humanitaire duquel cette micro-nation allait se forger.

Conclusion : Un anniversaire à célébrer

Les 215 ans de la bataille de Grand Port nous rappellent l’importance de préserver la mémoire de ces événements qui ont façonné l’histoire de l’île Maurice et de l’océan Indien. Cette bataille, bien qu’elle n’ait pas changé le cours final de la guerre, demeure un témoignage éclatant du courage des marins français et de l’importance stratégique de l’île Maurice dans les enjeux géopolitiques mondiaux.

En 2025, alors que nous commémorons ce 215e anniversaire, il convient de rendre hommage à tous ceux qui, français et britanniques confondus, ont écrit une page héroïque de l’histoire navale dans les eaux cristallines de Grand Port. Leur sacrifice et leur bravoure continuent d’inspirer les générations actuelles et futures, rappelant que l’Histoire se forge souvent dans les moments les plus périlleux, où des hommes d’exception s’élèvent au-dessus des circonstances pour accomplir l’impossible.

Cette bataille reste aujourd’hui un symbole de l’héritage maritime exceptionnel de l’île Maurice et de sa place centrale dans l’histoire de l’océan Indien, un héritage que les 215 ans écoulés n’ont fait que magnifier.